Quand Amed pleure, Aziz pleure aussi. Quand Aziz rit, Amed rit aussi.
Ces frères jumeaux auraient pu vivre paisiblement à l’ombre des orangers. Mais un obus traverse le ciel, tuant leurs grands-parents. La guerre s’empare de leur enfance et sépare leurs destins. Des hommes viennent réclamer vengeance pour le sang versé.
Amed, à moins que ce ne soit Aziz, devra consentir au plus grand des sacrifices. Et tous payeront le tribut des martyrs, les morts comme ceux qui restent.
À travers dix-sept textes, on découvre le monde doux-amer auquel le nouvelliste nous a habitués. Une jeune fille qui vient de perdre sa mère craint de se faire percer les oreilles, un traducteur obsédé par la recherche du mot juste voit sa vie lui échapper, une femme met fin à une relation d’où le plaisir avait été banni, un homme tente maladroitement de recoller les morceaux de sa vie conjugale, un autre découvre le pouvoir de la littérature au moment de prendre sa retraite. Tout cela est empreint de doute et de tendresse. « Fais pas cette tête », semble nous dire l’auteur, « après tout, c’est la vie ».
La question qui revient éternellement est celle-ci : où va le feu ?
Et la question me revient au chevet de mon père. Je passe mon doigt sur son vieux tatouage de marin (une ancre avec les lettres MN pour merchant navy) qui n’est plus qu’une pastille noire et floue. Ces cellules sont aussi les miennes. Je reconnais la parenté organique et l’odeur qui monte de son corps : un parfum de vieux drap gorgé de phéromones. Cet encens sébacé est mon seul lien avec cet homme, le seul que je reconnaisse.
Cet animal m’a donné la vie.
Été 67. Le soleil brille sur Boundary Pond, un lac frontalier rebaptisé Bondrée par Pierre Landry, un trappeur canuck dont le lointain souvenir ne sera bientôt plus que légende. Le temps est au rire et à l’insouciance. Zaza Mulligan et Sissy Morgan dansent le hula hoop sur le sable chaud, les enfants courent sur la plage et la radio grésille les succès de l’heure dans l’odeur des barbecues. On croit presque au bonheur, puis les pièges de Landry ressurgissent de la terre, et Zaza disparaît, et le ciel s’ennuage.
Vassili avance à vive allure en direction du sud, il veut montrer la mer à ses trois filles. Pour le garçon d’Alger, pauvre mais futé, l’Amérique est une chance. On le retrouve à Montréal avec sa petite famille, à New York avec sa maîtresse, à Key West ou Kalamazoo au volant de ses grosses voitures. Dans les casinos de Las Vegas ou Monte-Carlo, il fait rouler les dés d’un geste théâtral sur le tapis vert. Beau parleur et séduisant, l’homme aime le risque, le commerce et les femmes. Cosmopolite, toujours en mouvement, il multiplie les amitiés et les trahisons dans les restos grecs de l’avenue du Parc, au célèbre Sloppy Joe’s Bar tout au bout de la Floride ou dans un gîte en Toscane. La vie passe ainsi et, un soir d’hiver, alors qu’il joue avec l’accent pied-noir Hamlet en robe de chambre dans son petit appartement de la rue Sainte-Famille, il demande à sa fille aînée, Érina, son héritière, un étrange et ultime service.