Pourquoi l’ont-ils choisi, lui ? Peut-être parce qu’il aime chanter, mais certainement pas à cause de sa tignasse rousse, qui brille comme du cuivre quand sœur Dionne l’enduit de lotion. Il était le « Tiroir numéro 24 » de l’Orphelinat catholique. Il sera désormais le gars des Cyr. Il a six ans. C’est juste avant l’Expo 67.
Pendant douze ans, il travaille à la Boulange, l’entreprise familiale, où on vend du pain et des gâteaux.
Mais les temps changent et la Boulange ferme ses portes. Les bourgeois du quartier délaissent les mokas, les pains Weston et les pâtés au saumon et préfèrent désormais le lapin aux pruneaux, le céleri rémoulade et les nouilles d’Alsace. Il va travailler pour l’Européen qui vient d’ouvrir boutique de l’autre côté de la rue. Pour les Cyr, c’est une trahison. Mais pouvait-on attendre autre chose d’une engeance comme lui. Après tout, ce n’est pas leur sang qui coule dans ses veines.
Au matin du 8 mai 1902, la montagne Pelée entre en éruption, tuant la population entière de la ville de Saint-Pierre. Un homme survit miraculeusement à l’hécatombe : Baptiste Cyparis, le Revenant de l’Apocalypse. À la même époque, en Angleterre, un mathématicien et une musicienne tentent de percer ensemble les secrets de la terre et du feu.
À Montréal, cent ans plus tard, deux inconnus se rencontrent sur le mont Royal dans un jardin semé d’arbres et de croix, avec pour témoins un chien et l’esprit de la ville qui les entoure.
D’une geôle martiniquaise au grand chapiteau du cirque Barnum & Bailey, des flancs du Vésuve au boulevard Saint-Laurent, l’auteur du Bon usage des étoiles nous entraîne dans un roman où passé et présent se répondent. Une fresque baignée de lumière, où l’on entend aussi battre le cœur de la terre.
Comme au bon vieux temps, quand les Indiens faisaient mordre la poussière aux cow-boys, on rencontre parfois son destin sur la route qu’on a prise pour l’éviter. Lorsqu’on ne croit plus aux fables et à leurs morales, le seul moyen d’allonger la vie, c’est d’essayer de ne pas la raccourcir. Ça prend du doigté. Par exemple, on peut tendre les cinq parties mobiles d’une main pour ouvrir la trappe d’un grenier et voir la tête renversée de Colette en descendre et prononcer ces paroles d’une tendresse à vous arracher le cœur : « Il faut, avec les mots de tout le monde, écrire comme personne. » Qui n’entend rien à rien en temps normal dira pour l’occasion qu’une inquiétude sourde traverse ce livre. Il aura vu juste. Désert toutefois plus accueillant qu’hostile, Mon nom est Personne emprunte sa fraîcheur couverte aux cactus de Death Valley, profonde dépression aride de cette Californie d’où les grands studios diffusent les cartoons de Road Runner et Wile E. Coyote. Comme au bon vieux temps, à cette différence près que celui-ci s’invente à mesure.
Ce roman suit les derniers jours de Mrs Green ; on y entend le murmure de la mer et la voix d’une femme accomplie qui sont comme « la respiration du monde », l’art de mourir et de naître sans cesse.
Des fois, Sam, j’ai l’impression que la lumière des faits nous parvient de très loin, comme celle des étoiles mortes. Et que nous nageons en plein arbitraire quand nous essayons de relier les points pour obtenir une figure plausible… Peut-être que les explications que nous cherchons ne sont jamais que des approximations, des esquisses chargées de sens, comme les constellations : nous dessinons des chiens et des chaudrons là ou règne la glace éternelle des soleils éteints.
En 2001, à la mort de son ancien professeur, l’éditeur-poète Chevalier Branlequeue (un nom de plume !), l’écrivain Samuel Nihilo décide de poursuivre les recherches de ce dernier sur la crise d’octobre 1970. Chevalier y a toujours vu l’aboutissement d’une conspiration politique. De Montréal, où commence son enquête, jusqu’au village mexicain de Zopilote, où les chemins de Nihilo et d’un ex-felquiste se croiseront, en passant par l’Abitibi des grands espaces – si somptueusement décrits –, les recherches de Samuel vont rapidement se concentrer sur le rôle joué en 70 par les services secrets, l’escouade antiterroriste et toute une panoplie de personnages pas nets, dont le spectre quasi shakespearien du ministre assassiné !